« Dans toute mélodie triste se cache un mort, qui s'est glissé dans la musique ».
Forts de cette découverte, nous nous sommes attachés à interroger les morts, à les faire parler, à les faire chanter aussi. Nous avons exploré la manière dont les vivants et les morts gèrent, concrètement et au quotidien, leurs rapports. Pourquoi les morts reviennent-ils tourmenter les vivants ? Qu'est-ce qui les rend mécontents ? Nous envient-ils ? Que faut-il faire pour qu'un mort cesse de vous hanter ? Si on lui offre une cigarette et des friandises, s'en ira-t-il ?
Au milieu des questions pratiques, d'autres surgissent, plus philosophiques, comme celles de Vladimir Jankélévitch : « Il n'est jamais arrivé qu'un mortel ne meure point, échappe à la loi commune, accomplisse de vivre toujours et de ne disparaitre jamais […] Alors pourquoi la mort de quelqu'un est-elle toujours un scandale ? »
Ici, les spectres du son et ceux des hommes se répondent. Dans un petit salon, errent trois personnages, deux femmes, mère et fille, et un homme, danseur en armure, chevalier tout droit sorti du Moyen-âge, équipé pour combattre les fantômes de chair et d'os, et les spectres ectoplasmiques. Des dizaines de micros pendent du plafond tentant de capter l'inaudible. Des boucles sonores jouées en direct par un musicien nous parviennent, des ritournelles entêtantes, qui mettent en transe, font frissonner, avancent en nous engloutissant. Les morts sont plus nombreux que les vivants. Il ne faut pas s'étonner qu'ils soient plus bruyants.
Ariane Martinez